Hubert Beuve-Mery consultant Le Monde.

« Sirius » de pseudonyme, Hubert Beuve-Mery est une grande figure du journalisme français. Fondateur d’un des journaux « de référence » français, il parvient à devenir plus qu’un journaliste, mais un homme qu’il faut moucher. 

De nature janséniste, Hubert Beuve-Mery met en avant au long de sa vie une influence exacerbée par ses origines austères. Né à Paris en 1902 et sauvé par les bons pères d’une enfance pauvre et difficile, dans un contexte de Première Guerre mondiale, il parvient à s’initier au journalisme. Un journalisme axé, avec une culture particulière dans un journal catholique et conservateur Nouvelles Religieuses, dont il garde les traces. Il développe à la suite de la guerre, une attention accrue à l’engagement militaire. Conciliant son métier d’enseignant à l’Institut français de Prague et son rôle de correspondant pour plusieurs quotidiens français, dont Le Temps, Hubert Beuve-Mery prend position et s’engage dans sa première expérience politique. Il prend part aux manifestations des Camelots du roi, un réseau de « vendeurs volontaires » de l’Action Française et militants royalistes. Ses prises de positions marquent et sont écoutées. Il démissionne du journal Le Temps en 1938 afin de contester l’abandon de la Tchécoslovaquie. Sa décision résonne jusqu’aux oreilles du Général de Gaulle. Le Seconde Guerre mondiale éclate, la presse connaît la censure et fort intrigué du personnage, le futur président de la Ve République lui confie une tâche : créer le journal référent français afin de remplacer Le Temps, supprimé par les nazis. 

La naissance d’une vie 

Pour Hubert Beuve-Mery, il est interdit de dire non à cette proposition alléchante. Le Monde naît et les premiers mots s’y marquent dans le premier numéro du 18 décembre 1944. Un bouleversement, un changement, une belle histoire ? La veille, il écrit à un ami : « Cela me paraît une des plus belles histoires de fous de ce temps qui en compte pas mal ». Hubert Beuve-Mery, certain de l’influence de son journal, profite de sa nommée et de sa notoriété pour faire du Monde, sa parole. Un quotidien qui devient fidèle à ses pensées. Beuve-Mery fait du quotidien français une véritable institution qu’il cite « indestructible », et « sans concurrence valable ». Le plébéien resté accroché à ses racines et marqué par son expérience, souhaite tout de même conserver une certaine indépendance politique et économique malgré l’influence du général de Gaulle sur son quotidien. Le Monde devient un réel enjeu « dans la mesure où elle ne dépend pas des événements, du jeu des forces, puisque sa structure le met à l’abri de toute influence politique et économique ». Fort de propositions, en dévoilant toutes les informations sans se focaliser sur des rubriques particulières, Le Monde parvient à s’inscrire en un véritable incontournable en peu temps. Il devient le journal que tout le monde lit et fait bénéfice de près de 600 000 tirages par jour. Et pourtant, il ne ressemble pas aux journaux les plus en vogue. Il est vrai que c’est le photo-journalisme qui s’étend et prend petit à petite place sur tous les fronts des quotidien français. Hubert Beuve-Mery, lui, préfère privilégier la lecture à la documentation photographique. Ses craintes étaient d’engendrer une certaine passivité en insérant des images, la lecture permettant selon lui : « Une distanciation et une réflexion d’autant plus nécessaire ». 

Un monde à ses risques et périls

Au-delà de son succès exponentiel, Le Monde reste un journal crée et surveillé par le gouvernement. À la fin de la guerre, son existence est remise en question constamment avec les nouvelles crises, dont la décolonisation et la guerre d’Indochine. Certains souhaitent voir Beuve-Mery échouer : « Quand on est obligé d’arborer de front un problème aussi délicat que la guerre d’Algérie ou la guerre d’Indochine, où des intérêts et des sentiments sont en contradiction violente, on ne peut pas ne pas en subir le contre-coup ». Attaqué par le gouvernement, une pression se créée et Beuve-Mery tente de rester debout malgré son désir profond de subjectivité. Son journal est sa parole et ça, il compte bien le faire tenir. Il choisit donc un surnom pour ses éditoriaux : « Sirius ». La différence entre Beuve-Mery et Sirius repose essentiellement sur cette subjectivité désintéressée. Devenu grande figure du journalisme et surtout voix résonnante dans son journal, Hubert Beuve-Mery quitte son Monde en 1969 et y laisse la trace d’un mastodonte des médias français. 

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