Des personnes regardent la télévision pendant un discours de De Gaulle pendant les années 60.

À l’heure où la guerre d’Algérie éclate, l’histoire de la télévision s’accélère. Alors que peu de foyers sont pourvu de téléviseurs au début du conflit, le gouvernement utilise la télévision pour formater l’opinion publique.

Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, une série d’attentats frappe le territoire algérien. Des attentats menés par un groupe de militants indépendantistes, le Front de Libération Nationale (FLN). La France se divise une nouvelle fois, lui rappelant le douloureux souvenir de l’Affaire Dreyfus. Tandis que pour la presse écrite, les avis divergent, pour la télévision, les consignes sont claires : ne pas en parler. Malgré son souhait d’autonomie, la télévision était à cette époque sous le contrôle total du ministre de l’Information. Le général de Gaulle arrivé au pouvoir depuis peu, fait de la RTF (radiodiffusion-télévision française) son instrument docile au service de sa politique. Il développe une vision politique du rôle que pourrait avoir la télévision sur les Français comme l’explique Pierre Lefranc, son chargé de l’Information à l’Élysée : « Le Général pensait que la RTF devait être la voix de la France parce qu’elle était une administration de la République ». De Gaulle nommera son Premier ministre, Michel Debré, pour surveiller et diriger la RTF. Il fait de la télévision l’espace majeur de ses allocutions concernant ce conflit armé. Le 16 septembre 1958, le Président va soumettre l’idée d’un « droit des Algériens à l’autodétermination » remettant totalement en cause son discours du 4 septembre 1958. Les partisans d’une Algérie française qui pensaient que De Gaulle était de leur côté, se sentent trahis. Ce discours annonce un tournant majeur dans la politique gaullienne, mais aussi dans l’importance du rôle joué par la RTF.

Une guerre politique et médiatique

Le conflit s’aggrave, devient de plus en plus saignant et les nouvelles se répandent vite. Debré mécontent de la tournure des événements et ayant peur qu’une certaine autonomie de l’audiovisuel commence à se faire voir décide de prendre une décision radicale le 26 septembre 1960 : « J’ai pris la décision de diriger quasi directement, le directeur de la télédiffusion. Je lui ai donné des instructions précises, notamment en ce qui concerne l’information, et je continuerai à le faire (…) ». Son intervention est sans appel et jusqu’en 1962, ses directions ne feront que s’intensifier. Il va même pousser le ministre de l’Information, Louis Terrenoire à conditionner l’opinion publique : « Il ne serait pas mauvais qu’à longueur de journée, lorsque les émissions de la RTF parlent de l’Algérie, il soit insisté sur cette idée que le Général de Gaulle a offert la paix dans les conditions les plus raisonnables, les plus généreuses et que ce sont les dirigeants du FLN qui la refusent. ». Seulement le 17 octobre 1961, à cinq mois de la fin de la guerre d’Algérie, Paris est spectateur d’un de ses plus grands massacres. Ce jour-là, des dizaines de milliers d’Algériens manifestent pacifiquement contre le couvre-feu. La version officielle du gouvernement parlera de 3 ou 4 morts. Cependant, la réalité est autre, entre 200 à 300 Algériens sont arrêtés puis exécutés par les autorités françaises. Certains corps sont retrouvés dans la Seine. Les Français ne sont plus dupes, la réalité les frappe. Mais seulement, une amnésie générale du côté des médias français est organisée par le gouvernement. Comme l’en témoigne le journal télévisé du 25 octobre 1961, qui évoque rapidement des arrestations dans Paris sans dire un mot sur les morts.

La fin d’un conflit, les doutes de certains

Aux yeux de l’opinion publique, la RTF est discréditée. Mais le gouvernement ne renonce toujours pas à son contrôle de l’information en faisant les chantres d’une certaine « libéralisation ». Seulement lors d’une enquête réalisée par l’Ifop à la fin de l’année 1962, le public français fait plutôt confiance à 29 % au journal habituel, et seulement 9 % à la télévision. Et, lorsque la question de l’influence du gouvernement dans les émissions de télévision est posée, ce sont 82 % des Français qui pense qu’elle est trop importante. Trahie par cette mainmise omniprésente du gouvernement, la télévision tente de se racheter auprès du foyer des Français. Après la guerre d’Algérie, la RTF reste sous le contrôle de l’Etat et De Gaulle l’utilise beaucoup, notamment pour ses conférences de presse ou encore ses voyages diplomatiques. Deux ans après le conflit, le 25 juillet 1964, à 20 heures, les Français découvrent sur leur écran de télévision le sigle de l’ORTF : l’Office de radiodiffusion télévision française. Spécialement créé pour moderniser l’image de la télévision française, mais surtout pour redorer le blason de ce média contrôlé par l’Etat.

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